Dans le Val d'Anniviers, le ski réduit son empreinte écologique

Isabelle Buesser-Waser – 16 octobre 2023
Les remontées mécaniques de Grimentz-Zinal ont ouvert leur nouveau bâtiment, l'«Espace Weisshorn», le 14 octobre. L'inauguration de cet écrin écoresponsable représente un premier pas vers la transition écologique du domaine. Interview de Pascal Bourquin, directeur des remontées mécaniques, sur ce projet inédit, et sa vision à long terme pour un domaine skiable durable.

Depuis la fusion des domaines de Grimentz et Zinal en 2012 et l'entrée dans le Magic Pass en 2017, le domaine voit l'affluence des touristes augmenter de manière considérable. Le nombre de skieurs en constant développement fait émerger un manque de points de restauration. L'Espace Weisshorn est donc né d'une réflexion visant à améliorer l'accueil des clients à travers la restauration d'altitude. Les initiateurs du projet, les remontées mécaniques et le consortage de l'Alpage de Sorebois, se sont entourés d'experts afin de créer un établissement dont la philosophie repose sur les préoccupations d'aujourd'hui: préserver le patrimoine, proposer des espaces et un aménagement en cohérence avec l'environnement et soumettre aux visiteurs une cuisine gourmande, mais aussi consciente et responsable. La société de consulting de Didier de Courten a ainsi été mandatée pour apporter son conseil, puis le cuisinier a accepté de rejoindre l'équipe des remontées mécaniques en tant que directeur HORECA. Le chef réputé s'est confié sur ce nouveau défi dans une interview qui paraîtra dans la prochaine édition du magazine le 26 octobre.

De son côté, Pascal Bourquin nous parle du bâtiment, des projets à venir pour le domaine et du futur du tourisme d'hiver, qui «n'est pas plus incompatible avec la durabilité que beaucoup d'autres activités sportives et de loisirs».

Pascal Bourquin, l'été passé, vous aviez annoncé une ouverture pour l'automne 2023. Vous êtes parfaitement dans les temps, ce qui est rare pour un chantier de cette ampleur. Vous n'avez pas dû faire face à des contretemps?

Nous avons eu beaucoup de chance avec la météo ces deux dernières années. Ça nous a vraiment aidé. Grâce à cela, nous avons pu sortir du sol et travailler sous toit dans les temps. A partir de là, les imprévus ont moins de conséquences sur le timing. Toutefois, le bâtiment contient tellement de domotique, que les aménagements intérieurs sont très complexes et prennent beaucoup de temps.

Quels ont été les défis techniques liés à la durabilité de l'établissement?

L'un des aspects les plus spectaculaires du bâtiment est que les façades sont entièrement bardées de panneaux solaires, c'est la plus grande façade de ce type en Suisse. Mais les deux défis les plus importants ont été le chauffage et l'isolation ainsi que l'approvisionnement en eau. L'isolation thermique du restaurant correspond à la valeur cible la plus exigeante actuellement et la chaleur dégagée par les moteurs du téléphérique ainsi que le froid central sont récupérés pour permettre de chauffer le bâtiment. Par ailleurs, un réseau d'énergie a été mis en place afin de permettre la récupération et la mutualisation des énergies dites «perdues». Par ailleurs, l'eau provient de la source de Sorebois, qui se trouve 230 plus bas que l'Espace Weisshorn. Elle est récupérée par un système de pompage et au travers d'une cuve.

Est-ce que ce bâtiment s'inscrit dans une stratégie durable plus large des remontées mécaniques?

C'est, en effet, le premier pas d'une initiative qui a commencé il y a environ deux ans. Nous souhaitons être plus efficients au niveau de l'énergie et du traitement des déchets sur tout le domaine. Dans cette optique, nous travaillons avec l'AENEC et l'Office fédéral de l'énergie.

L'Espace Weisshorn est le premier bâtiment neuf qui suit cette stratégie, il excède donc directement toutes les normes en vigueur.

Quelles sont les prochaines étapes?

Nous avons déjà lancé les rénovations de plusieurs bâtiments et d'autres sont prévues afin d'améliorer la consommation d'énergie et l'isolation.

Par ailleurs, la prochaine grande étape est la réfection du restaurant de Sorebois qui durera trois ans, puis de l'atelier de Sorebois, que nous prévoyons de recouvrir de panneaux photovoltaïques. Nous allons également déposer un projet de parc solaire alpin dans quatre mois. Si ce dernier est accepté, il devrait produire deux fois la consommation complète du domaine skiable sur une année alors qu'il occupera moins de 1 % de la surface du domaine.

Lorsqu'on vous écoute, il semble donc que durabilité et domaine skiable sont compatibles…

Sur ce point, je pense qu'il est important de comparer l'empreinte écologique d'une activité par personne. Or, si on fait le calcul, le ski est une des activités les moins couteuses d'un point de vue énergétique. A titre d'exemple, le jet d'eau de Genève consomme plus que tout le domaine skiable d'Anzère!

Est-ce que la durabilité est un argument de vente indispensable pour le tourisme en 2023?

Je pense que c'est un critère parmi d'autres, mais ce n'est pas encore le facteur décisif pour choisir une destination de vacances. Ça le deviendra surement dans le futur. Toutefois, nous n'avons pas amorcé cette transition énergétique pour les clients, mais parce que cela est essentiel. Nous n'avons d'ailleurs pas peur de tester de nouvelles choses qui ne fonctionnent pas toujours. Nous avons fait quelques investissements à vide par le passé, mais cela porte ses fruits aujourd'hui!