«La clé du succès? Les idées des collaborateurs»

Reto E. Wild – 02 mai 2024
Fin juin, le Lucernois Peter Kämpfer mettra un terme à sa brillante carrière hôtelière de plus de 40 ans au Victoria-Jungfrau Grand Hotel & Spa. Quels sont les principaux changements dans le secteur? Que recommande-t-il à son successeur? Et quels sont actuellement les plus grands défis à relever?

Traduction: Caroline Goldschmid

Vous avez terminé votre apprentissage de cuisinier au Continental Lucerne en 1977. Vous avez ensuite suivi les cours de l’Ecole hôtelière de Lucerne, vous êtes allé à Genève pour apprendre le français à la réception de l’hôtel Warwick. Vous avez aussi été chef des achats, F&B manager et, pour finir, membre de la direction des hôtels Bürgenstock, de 1985 à 1996. Quelles ont été ensuite pour vous les étapes les plus importantes de votre carrière?
Peter Kämpfer: De 1996 à 1998, j’ai été directeur de l’hôtel Chesa Guardalej, à Champfèr (GR), et de 1998 à 2018, je me suis occupé de la construction et du repositionnement du Park Hotel Weggis (LU). Depuis octobre 2018, je suis directeur du Victoria-Jungfrau Grand Hotel & Spa, à Interlaken (BE).

Durant votre séjour à Interlaken, vous avez rénové toutes les chambres, la piscine extérieure et le club pour enfants, et lancé le restaurant Radius. Combien tout cela a-t-il coûté?
Vous pouvez vous attendre à un montant de plusieurs dizaines de millions de francs. Mais ce ne sont pas seulement les investissements dans l’infrastructure qui contribuent au succès économique, mais aussi les investissements dans les collaborateurs et surtout dans la relève. De plus, nous avons 26 apprentis dans cinq métiers et autant de stagiaires de différentes écoles hôtelières. L’avenir est dans la jeunesse, et si les entreprises n’investissent pas dans la formation, elles sont perdantes sur le marché du travail. Nous avons la chance de trouver suffisamment de collaborateurs – plus de 300 en été et environ 220 en hiver.

D’où viennent les collaborateurs?
Ils viennent d’une trentaine de pays. Dans notre restaurant italien Sapori, il s’agit principalement de collaborateurs italiens, sinon beaucoup viennent de Suisse, d’Allemagne et du Portugal. Nous employons également des personnes originaires d’Ukraine, de Pologne, de Hongrie et de Roumanie, que nous avons réussi à bien intégrer.

Que faites-vous d’autre pour les collaborateurs?
Tous bénéficient d’une journée d’introduction intensive et d’une mise à jour cinq à six semaines après leur arrivée. Dans notre groupe, nous avons une responsable de formation, ce qui nous permet d’avoir de nombreux programmes différents comme le «junior management», l’«advanced leadership» ou encore le «lean management». Nous investissons beaucoup dans la formation continue, ce qui est toujours très apprécié. En outre, nos collaborateurs bénéficient de divers avantages dans le cadre de programmes d’avantages ainsi que dans nos restaurants et au spa. Ils peuvent amener leurs enfants au club pour enfants chez nous, ce qui génère également une grande valeur ajoutée pour eux.

Quels sont les principaux changements dans la branche?
Ces dernières années, il est devenu de plus en plus important de créer de nouvelles impulsions. Il ne suffit plus d’avoir une belle infrastructure, l’expérience pour le client doit être au premier plan. Déjà à l’époque où je travaillais au Park Hotel Weggis, j’ai pu, en étroite collaboration avec l’ancien propriétaire, transformer l’établissement de quatre étoiles en cinq étoiles – avec les premiers espaces de spa privés. Nous avions le plus beau bar du lac, une carte des vins de 2600 références, une salle de réception unique et le premier catamaran à énergie solaire sur le lac des Quatre-Cantons. La clé du succès a été de prendre en compte les idées des collaborateurs. Nous avons clarifié ce qui était demandé. Ici aussi, au Victoria-Jungfrau, nous nous efforçons toujours d’offrir une valeur ajoutée à nos clients en organisant des événements tels que des bals dansants, des brunchs musicaux, des week-ends boogie-woogie ou des festivals de nourriture.

Vous êtes directeur du Victoria-Jungfrau jusqu’au 30 juin. Que recommandez-vous à votre successeur, Nico Braunwalder?
Etre ouvert à la nouveauté, savoir identifier les tendances. Soutenir le travail d’équipe dans la mesure du possible. Cela implique de respecter les collaborateurs et de leur dire merci. Motiver est en principe simple et ne coûte rien. Le client doit toujours être au centre de l’attention et il ne doit jamais se voir dire «non», mais uniquement se voir proposer des solutions.

Comment identifier les tendances?
Toujours être ouvert, interroger les invités. Nous devons tenir compte de ce que les jeunes aiment aujourd’hui. Mais nous devons aussi rester fidèles à nous-mêmes et préserver les valeurs établies. Dans le domaine du F&B, il faut offrir de la variété, au spa nous proposons 30 cours différents par semaine. Dans le pavillon pour enfants, les jeunes peuvent peindre, jouer de la musique et bien plus encore. Il est très important d’accorder une grande attention à la durabilité.

L’augmentation des coûts est un défi actuel.
En effet: nous avons un chauffage à distance, mais nous avons aussi besoin d’électricité, dont le prix a explosé. Nous nous efforçons d’être toujours plus écoresponsables. Cela implique d’acheter des produits de qualité optimale et de réduire les déchets autant que possible. Cet effort est également connu sous le nom de «waste management» (gestion des déchets).

Comment avez-vous réagi à l’augmentation des prix des hôtels?
En raison de l’augmentation des coûts et des énormes investissements, nous avons dû augmenter nos prix. En contrepartie, nos hôtes bénéficient d’un produit en constante amélioration. Nous travaillons avec des prix journaliers, nous sommes donc entièrement dans le yield management. L’important pour nous est de pouvoir continuer à proposer une offre très attractive en termes de rapport qualité-prix dans nos restaurants. Le restaurant italien de notre hôtel, Sapori, est probablement le restaurant le plus fréquenté de tout Interlaken.

Quelle a été l’ampleur de l’augmentation des prix des nuitées?
Environ 15 à 20%. Cela dépend toutefois du jour et de la charge de travail.

D’où viennent les clients de votre hôtel?
Le marché suisse est le numéro 1, suivi par les Etats-Unis, le Moyen-Orient et l’Inde. Le Brésil est actuellement un marché émergent et donc intéressant, comme l’était la Russie autrefois.

Comment s’annonce l’année 2024?
2023 a été une année record. Nous avons augmenté nos attentes pour cette année et sommes malgré tout dans les limites du budget. Sur l’ensemble de l’année, un client passe environ 2,5 nuits chez nous et assure un taux d’occupation de près de 70%.

Quel est le secret du succès?
Nous sommes actifs dans le marketing et la vente. Nous avons une bonne gestion des revenus avec des prix journaliers. Faisant partie de Michel Reybier Hospitality, 17 hôtels se présentent de plus en plus comme un groupe fort. Les collaborateurs profitent du fait qu’ils peuvent passer d’un établissement à l’autre. De plus, les chemins de fer de la Jungfrau sont un moteur puissant. Enfin, nous avons une offre gastronomique forte avec le restaurant gastronomique Radius, le Sapori et la brasserie La Terrasse.

Nico Braunwalder SZ StaffServices 9469

De Bali à Zermatt via Interlaken et retour
Nico Braunwalder (44 ans) débutera le 24 juin au Victoria-Jungfrau Grand Hotel & Spa et prendra ses fonctions de directeur de l’hôtel de luxe le 1er juillet. Nico Braunwalder a travaillé plusieurs années à l’étranger, notamment en tant que directeur d’hôtel chez The Bulgari Beijing et The St. Regis Bali Resort. De mars 2021 à octobre 2022, il occupait déjà la même fonction au Victoria-Jungfrau. De novembre 2022 à juin 2024, il a été le directeur général de l’hôtel Schweizer- hof, à Zermatt (VS), qui, comme le Victoria-Jungfrau, appartient au groupe Michel Reybier Hospitality. «Je me sentais très bien en Asie. Mais je suis heureux d’être de retour chez moi, en Suisse. Ma jeune famille aussi», déclare l’hôtelier, cité par GaultMillau. (Photo: DR)