«Les ambassadeurs des producteurs»

Caroline Goldschmid – 20 février 2024
Comme le veut la tradition depuis 2011, le Festin neuchâtelois se tiendra le deuxième dimanche de mars, soit le 10 mars prochain, dès 11h30. L’engouement ne cesse de grandir, tant de la part du public que de la part des établissements, avec un record de 17 restaurants et 19 chefs inscrits à ce jour.

Le 10 mars aura lieu la 14e édition du Festin neuchâtelois. A cette occasion, chaque restaurant qui y participe crée le menu de son choix et pratique ses propres tarifs (avec ou sans boisson), tout en respectant quelques consignes. «Les produits doivent être de saison et de la région, le tout fait maison et réparti en minimum cinq services», précise Karen Allemann-Yerly, coordinatrice du Festin neuchâtelois et directrice de GastroNeuchâtel. «En salle, le principe du Festin, comme son nom l’indique, implique de grandes tablées de huit personnes au moins, où les mets sont servis sur plat.» Au-delà de la convivialité assurée, les spécialités locales sont garanties. En effet, un certain nombre de produits sont imposés par l’Association du Festin neuchâtelois. Parmi ceux qui figurent au menu: un poisson du lac, le saucisson neuchâtelois IGP, le Gruyère AOP du canton, d’autres fromages neuchâtelois, du chocolat et le pain artisanal neuchâtelois. Sans oublier l’absinthe, le Neuchâtel Non Filtré, l’Œil de Perdrix et le Pinot Noir, dans un verre ou en recette.

Les ambassadeurs des producteurs
«Les produits doivent venir du canton de Neuchâtel, soit de notre terroir, mais contrairement à des fêtes comme la Bénichon dont la tradition est ancestrale, le Festin se veut avant tout une vitrine pour les producteurs du canton», indique Karen Allemann-Yerly. «Et chaque année, la liste de nos produits locaux s’allonge, avec par exemple les pois chiches et les lentilles qui sont cultivés à Neuchâtel depuis peu. Les restaurateurs sont les ambassadeurs des producteurs et ils valorisent leurs produits.»

17 restaurants et 19 chefs: un record
Les chefs qui participent à cette action sont eux-mêmes convaincus de la pertinence des circuits courts et de la qualité des produits qu’ils peuvent trouver à portée de main. C’est d’ailleurs ce qui les anime, plus que de générer un chiffre d’affaires supplémentaire. «Les restaurants sont souvent fermés le dimanche, donc cela demande une organisation spécifique, comme recruter une équipe spécialement pour ce jour-là. Sans oublier qu’un tel menu requiert beaucoup de mises en place et que c’est une longue journée: les invités arrivent dès 11h30 et repartent vers 18h. Ce n’est clairement pas le menu le plus rentable!» Selon Karen Allemann-Yerly, les restaurants parviennent malgré tout à proposer un menu avec un rapport qualité-prix «incroyable». De plus, la coordinatrice n’a guère besoin de prospecter: ils se sont tous manifestés spontanément, convaincus qu’ils sont de la pertinence de cet événement. Résultat: 17 restaurants participent cette année  – un record – avec 19 cheffes et chefs à l’œuvre, certains ayant choisi d’unir leurs forces.

«J’adhère totalement!»
Parmi les restaurateurs qui proposent un Festin neuchâtelois, il y a des adeptes de la première heure, dont Craig Penlington fait partie. «Je participe au Festin neuchâtelois depuis la toute première édition, en 2011. Il s’agit de mettre en valeur les produits de la région et j’adhère totalement au concept! A Neuchâtel, nous avons beaucoup de bons produits, entre nos montagnes et le lac, et aussi d’excellents vignerons. C’est chouette d’avoir un événement qui réunit tous ces beaux produits.» L’ancien chef du Restaurant de l’Hôtel DuPeyrou estime que l’événement gourmand gagne à être connu, même au-delà des frontières neuchâteloises. «Le Festin neuchâtelois permet de se rendre compte de la richesse du patrimoine culinaire de notre canton. Je pense que tous les restaurateurs qui participent à cet événement méritent le soutien du public! Aussi parce que les circuits courts constituent une réponse à la crise actuelle. Et, depuis la pandémie, nous avons tous de la peine à récupérer ...»

Ayant quitté l’Hôtel DuPeyrou au printemps 2022 après 23 ans à sa tête (notamment pour avoir plus de temps pour ses enfants), Craig Penlington va s’associer cette année au chef Ronald Lietta, du restaurant La Charrue, à Vilars. «Il m’a demandé si je pouvais lui filer un coup de main, car il a beaucoup de réservations.» Quels délices seront servis à La Charrue, le 10 mars prochain? «Saucisson neuchâtelois IGP en feuilleté et parfumé au marc des Caves de la Ville, Gratiné d’oignons de chez Olivier Haussener d’Engollon, au Gruyère AOP, Croque-monsieur à la mousse de brochet du Lac et bisque d’écrevisses à l’absinthe, de la Pêcherie Junod à Auvernier, Cou de bœuf de la Ferme Sous-les-Vergers à Dombresson et de la Ferme des Crosettes Stauffer à La Chaux-de-Fonds, sauce au Pinot Noir, et Lentilles des Prés d’Areuse» figurent notamment au menu. Le chef d’origine australienne espère que la tradition du Festin neuchâtelois va perdurer pour des dizaines d’années encore. Il voit les choses en grand, en imaginant que la manifestation pourrait s’étendre sur plusieurs jours, comme la Bénichon à Fribourg ou la Saint-Martin dans le Jura.

Le Festin s’invite à l’école
En attendant, le prolongement du Festin neuchâtelois s’effectue dans les classes ménagères du canton, pour la deuxième année consécutive. Par exemple, les élèves de la classe de David Masci, du Collège Jean-Jacques Rousseau à Fleurier, confectionneront un menu 100% terroir neuchâtelois. De nombreuses activités seront mises sur pied dans les classes d’économies familiales neuchâteloises afin de faire connaître la richesse du terroir et des spécialités neuchâteloises. A elle seule, cette action permet de couvrir la quasi-moitié des objectifs de l’année scolaire, dont font partie des thèmes comme les produits du terroir et les circuits courts. «L’an dernier, nous nous sommes rendus dans deux classes avec deux chefs pour expliquer aux élèves les gestes professionnels et la gestion des déchets, mais aussi pour leur inculquer les valeurs de l’agriculture et des circuits courts. Je trouve cela magnifique, car quand ces jeunes iront faire leurs courses, ils se souviendront ce qu’ils ont appris en classe et choisiront certainement des fruits et légumes de la région plutôt que des produits en provenance de l’autre bout de la planète», se réjouit Karen Allemann-Yerly. Cette dernière rappelle aussi que ces jeunes représentent la relève pour les métiers de l’hôtellerie-restauration et que ce genre d’actions peut susciter des vocations.
Le Festin neuchâtelois s’inscrit parfaitement dans l’actualité puisque les thématiques des circuits courts, du soutien à l’agriculture locale et du juste prix préoccupent plus que jamais les professionnels de la branche. «Ce n’est pas juste un repas festif comme pour la fête des Mères, il y a une vraie démarche derrière: il s’agit de soutenir l’économie locale tout en sensibilisant le grand public à cette nécessité. C’est grâce à nos agriculteurs que nous mangeons!», soulève la directrice de GastroNeuchâtel.